15.10.2024
« Ce qui me plaît, ce sont les valeurs de l’Institut »
La psychiatrie fait face à un problème de fond : recruter de nouveaux soignants. Nous avons rencontré Noura Zouhri, cadre de santé dans l’Unité de Psychopathologie des Conduites Addictives (UPCA), pour en savoir plus sur ce problème et ce que l’Institut Camille Miret peut offrir à de nouvelles recrues. (2ème Partie)
Rencontrez-vous des difficultés de recrutement au quotidien ?
A l’UPCA, nous avons la chance de ne pas trop être touchés par le manque d’effectifs. Je suis presque à effectifs complets, il nous manque un employé à temps plein et ce manque sera probablement bientôt comblé.
Nous avons aussi un médecin-psychiatre, addictologue, dont l’approche donne envie de venir travailler au sein de cette unité. De ce fait, nous sommes moins affectés que d’autres secteurs par la pénurie de personnel.
J’ai malheureusement cru comprendre qu’en matière de formation, il y avait beaucoup d’abandon d’étudiants en cours de route. Ca c’est très préoccupant !
Concrètement, cela signifie que les promotions dans les IFSI vont ouvrir avec 50 étudiants infirmiers et qu’en fin de parcours ils ne seront plus que 30. Je pense que si les Instituts de formation perdent autant d’étudiants en cours de route, c’est parce que précisément ces étudiants ont réellement découvert le métier et se sont aperçus qu’il ne leur correspondait pas.
Plutôt que de s’engager vers un métier qui ne leur convenait pas, où dans lequel finalement ils ne souhaitent pas faire carrière ou parce qu’ils ne s’estiment pas adaptés aux métiers du soin, ils font un autre choix et se réorientent.
C’est d’après moi très important d’aborder ce sujet des étudiants et des orientations parce qu’il s’agit de la nouvelle génération, et finalement de cette génération de futurs soignants qui est susceptible de prendre soin de nous à terme.
Au-delà de ces réorientations, l’autre sujet qu’il est important de préciser est celui du retour des étudiants dans leur ville d’origine.
Concrètement, les professionnels de l’Institut Camille Miret, nos soignants, vont former de futurs professionnels de santé qui vont retourner dans leur ville d’origine et qui vont utiliser les compétences acquises dans le Lot à la faveur d’un autre département.
On aimerait imaginer que l’inverse existe, mais dans la grande majorité des cas les personnes qui ont fait leurs études ou leurs stages dans les grandes villes y restent ou y retournent.
Bien sûr, nous accueillons parfois des stagiaires qui viennent de loin puis qui acceptent de rester. Mais il y en a moins, beaucoup moins.
Comment attirer de nouvelles recrues ?
Personnellement, je ne sais pas si je vais être très objective, car je suis très attachée à ce territoire. Je suis née à Cahors, j’ai grandi dans le Lot. J’y ai fait mes études, j’ai choisi d’y travailler. Je suis une vraie Lotoise. C’est un département qui est beau, où il fait bon vivre.
Plus spécialement sur l’Institut, ce qui me plaît, ce sont les valeurs portées par l’association, la solidarité qu’on peut y trouver, cette bienveillance, ce côté un peu familial que je trouve très agréable.
En ce qui concerne l’image qu’on peut renvoyer aussi vers l’extérieur, et notamment en ce qui concerne la réputation de l’établissement, c’est un peu comme dans une famille, il peut y avoir effectivement des conflits. Mais on est là pour s’entraider et surtout passer au-dessus de ces conflits.
Nous avons tous un objectif commun et cet objectif c’est le bien-être et la prise en charge de qualité de nos patients.
Pour en revenir à la ruralité, avoir 30 ans, et travailler au sein d’un milieu rural la semaine, me permet aussi d’apprécier vraiment les moments citadins, le week-end et les vacances, et de vraiment couper.
Il y a vraiment de bons côtés à vivre en milieu rural. Certes, il y a peut-être moins de commodités, mais on s’adapte.
Et lorsque je me projette sur l’Institut et sur ma carrière, je trouve cela beau d’être professionnellement née au sein d’une structure. C’est aussi pour cela que je souhaite mener ma carrière ici. C’est quelque chose qui devient de plus en plus rare. Avant, il était commun d’exercer toute sa vie dans la même entreprise. Aujourd’hui cela devient de plus en plus rare. Il y a cette envie permanente chez quelques-uns de bouger, de changer.
Cela n’est vraiment pas mon cas : l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs !
Quels autres avantages offre l’Institut Camille Miret ?
L’Institut propose des formations internes qui répondent aux besoins ciblés de notre travail, auprès des patients. Nous avons aussi la possibilité lors des entretiens annuels de progrès de faire remonter des souhaits de formations qui sont ensuite acceptées ou non, voire parfois reportées.
Mais je trouve intéressant que chacun ait un temps de parole. Il y a vraiment un temps dédié à ce sujet en particulier et cet entretien annuel de progrès où l’on fait part non seulement de ses souhaits, mais aussi des perspectives d’évolution est un moment important de l’année. C’est un moment d’échanges privilégié et il faut vraiment le voir comme cela. Prendre le temps pour soi et pour l’autre.
L’autre atout de l’Institut, c’est la diversité des équipes en termes d’âge, de culture, et d’expériences. Cette diversité est riche et enrichissante. En tous les cas, à titre personnel, je m’en nourris.
C’est cette diversité-là qui nous permet également de répondre à l’ensemble des besoins des patients.
Par exemple, chaque patient a son référent, ou plutôt deux référents, car si l’un est absent, l’autre prend le relais. Ce sont les patients eux-mêmes qui choisissent leur référent au bout d’une semaine d’hospitalisation.
Cette approche est extrêmement intéressante car certains patients ont plus de facilité à communiquer avec telle ou telle personne. D’ailleurs ils nous le disent ainsi « j’ai des choses sensibles à livrer, à déposer, donc autant les déposer avec quelqu’un qui m’inspire plus confiance, avec qui, en tous les cas, je me sens plus à l’aise ».
C’est aussi cela « remettre le patient au centre de la prise en charge » avec un objectif : celui de pouvoir parler en toute sécurité et en toute liberté.
En parlant d’échange, en ce qui concerne le binôme cadre-médecin, comment cela fonctionne-t-il ?
La mise en place d’un binôme cadre-médecin est une démarche facilitante, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de communication. Cela permet de communiquer plus rapidement et de façon plus fluide sur le projet de service, les perspectives d’évolution de celui-ci et sur nos offres de soins.
Ce binôme permet de travailler réellement main dans la main.
Bien entendu, chacun a ses missions, mais nous nous complétons bien. Chacun laisse la place à l’autre dans les missions qui lui sont propres.
Le médecin, par exemple, fera les visites de préadmission. Il va établir une liste de patients qui doivent rentrer en priorité. A partir de là, le cadre prend le relais et organise l’arrivée et la prise en charge du patient. Il n’y a pas de rupture entre cette visite de pré admission et l’entrée du patient. Le médecin s’appuie sur nos capacités d’organisation et notre réactivité, et nous, nous savons que notre unité et notre prise en charge correspondront effectivement à ce patient.
Est-ce que les cadres de santé retrouvent les mêmes difficultés dans tous les services ou cela peut-il différer un peu ?
En ce qui concerne notre service, il est vrai que nous avons un important travail administratif, y compris des règles très précises. Ne pas les respecter ou ne pas les faire respecter peut mettre à mal la prise en charge du patient mais en soi, les missions de fond restent les mêmes.
Lorsque l’on procède à des remplacements, il s’agira essentiellement de la gestion de planning, de gestion de l’urgence pour maintenir la continuité des soins. C’est quelque chose de commun à tous.
On gère l’urgence. Cela signifie que, dans ce cas, on ne se mobilise pas pour autre chose. Cette gestion de l’urgence ne m’autorise pas, par exemple, à me rendre à une réunion dans une autre unité, où l’on pourrait parler d’un sujet de fond. Ceci est effectivement une des limites.
Comment accorde-t-on une vie de famille avec ce genre d’imprévu ?
Je conçois que les horaires ne coïncident pas forcément en termes de garde d’enfants avec les horaires d’une mère isolée par exemple. Moi, j’ai la chance d’avoir mon mari qui me soutient et qui est très présent.
Pour une personne isolée, ou pour une personne qui n’a pas d’horaires adaptés, je peux concevoir que ce soit compliqué entre les enfants et les horaires de travail.
On a longtemps parlé d’une crèche dans l’établissement. Cela peut aussi être un point sur lequel on pourrait réfléchir en terme d’attractivité.
Certaines choses sont tout de même mises en place pour les familles à l’ICM. Par exemple quand un couple travaille à l’Institut, on va les mettre forcément en contre poste, c’est-à-dire faire en sorte qu’ils puissent s’organiser pour s’occuper des enfants, y compris entre deux structures, et y compris entre le sanitaire et le médico social.
L’Institut s’adapte réellement à ses soignants et à leurs besoins, familiaux notamment.