« La certification de notre Centre Hospitalier aura un impact réel »

L’Institut Camille Miret s’apprête à passer une certification complexe mais nécessaire pour la vie de l’établissement. Nous nous sommes assis avec Jessica Yaméogo, psychiatre et présidente de la CME, pour une interview à Figeac afin d’en savoir plus les difficultés potentielles soulevées par cette certification que se déroulera au mois de décembre au sein du Centre Hospitalier Jean-Pierre Falret, établissement sanitaire de L’ICM.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?

Ce qui est parfois compliqué, c’est de concilier les critères qualités avec nos pratiques. C’est de concilier ces demandes de la part de la Haute Autorité de Santé (HAS) avec un système de santé qui diminue en terme de moyens mais augmente en terme de demandes.

C’est vrai qu’on a le sentiment que sur une pratique qui devient de plus en plus complexe et difficile, nos autorités nous demandent encore d’effectuer des démarches en décalage avec nos pratiques quotidiennes.

Ce qu’on aimerait, à l’avenir, c’est que la certification soit plus adaptée aux établissements psychiatriques. La démarche de consulter un psychiatre n’est pas la même que dans la médecine somatique. Je pense que nos patients ne seraient pas satisfaits, d’ailleurs, si la consultation chez un psychiatre ressemblait à celle d’un spécialiste somaticien. Nous avons besoin d’établir un colloque singulier, d’établir un un espace de parole.

Nous demandons à ce que notre spécificité clinique demeure et qu’elle soit prise en compte par nos autorités.

Arrivez-vous à faire remonter ces demandes ?

C’est ce sur quoi nous travaillons, avec la direction des établissements de santé, pour que notre spécificité soit entendue. Nous sommes déjà acculés par la continuité des soins, et on nous demande en plus des démarches administratives lourdes qui manquent parfois de pertinence dans la prise en charge de nos patients. Ici, à l’ICM, nous avons la chance d’avoir des professionnels engagés sur la qualité, mais  quand il s’agit de se rajouter une charge de travail sans y voir de sens, ça pose question.

C’est une problématique qu’on retrouve dans tous les établissements de santé.

Quels sont les enjeux de la certification ?

Les enjeux concernent la qualité des soins pour nos patients, l’image de l’établissement et son financement.

Ça a un impact réel, et c’est important pour notre établissement d’être conscient de cet enjeu et de mettre en place un maximum de moyens pour arriver à maintenir un niveau de qualité des soins suffisant.

En parlant de moyens, à quel point ce manque se fait-il ressentir ?

Au niveau national, nous éprouvons des difficultés parce que depuis plus de 10 ans, les plans de santé visent à encourager les prises en charge en ambulatoire et à fermer des lits en intra-hospitalier.

Sauf que les moyens en ambulatoire n’ont pas significativement augmenté au vu de la demande, qui elle, par contre, augmente de façon exponentielle, surtout depuis le COVID !

Est-ce la détresse sociale qui augmente ou les personnes sont plus à l’écoute d’elles-mêmes ?

Peut-être un peu des deux. En tout cas la détresse sociale on le sent, il y a peut-être moins de facteurs de protection. Les familles sont davantage nucléaires. Ce qui fait que lorsque vous traversez une période de vie difficile comme un deuil, la perte d’une situation quelconque, vous avez moins de soutien qu’à une époque.

Les gens se retrouvent davantage seuls à vivre leur détresse et vont plus facilement se tourner vers un centre de santé comme le nôtre, pour être accompagnés dans des moments de vie difficiles.

Enormément de demandes nous arrivent parce que nous sommes repérés comme le premier acteur de la santé mentale dans le Lot. Pour l’instant, dans le Lot, l’ICM accueille ces situations-là parce que nous avons peut-être besoin d’étoffer notre système d’accompagnement de la santé mentale en dehors de l’ICM. Il faudrait étoffer l’offre d’accompagnement dans le champ du médico-social et dans le champ associatif pour juguler ce phénomène. Et ce soutien, cet accompagnement, peut tout à fait être pris en charge par une association dans laquelle vous avez des psychologues, des éducateurs, des travailleurs sociaux.

On en demande peut-être un peu trop aux établissements psychiatriques ?

Oui, c’est une tendance nationale.

Les gens viennent vers vous un peu par défaut ?

C’est plutôt un manque d’alternative.

Vous pouvez avoir des symptômes dépressifs, dans le cadre d’un deuil, une période de vie difficile, sans forcément avoir besoin d’un traitement. Mais vous avez besoin d’un soutien, d’un accompagnement.